La stratégie de Walmart décryptée

 

Le numéro 1 mondial de la distribution a procédé depuis près de 3 ans à des virages stratégiques francs et ambitieux. Décryptage de Frédéric Boublil pour LSA.

 

Les choix de Walmart reposent sur 3 postulats. Premièrement, le commerce ne gravite plus autour des magasins. Ensuite, aucun distributeur n’est en capacité d’exceller seul sur l’ensemble des facteurs de compétitivité du New Retail. Enfin, le modèle économique de tout distributeur reposant sur la croissance, Walmart n’a pas d’autre choix que de se redéployer sur des marchés en développement.

 

Dans ce contexte, le groupe a multiplié les initiatives – acquisitions, partenariats, recentrages – permettant de se positionner sur des terrains porteurs, quitte à perdre, dans certains cas, une partie du contrôle et de la valeur ajoutée. Voici les initiatives les plus marquantes.

 

Walmart

 

1- Réaliser des acquisitions de grande envergure, sur son marché domestique et sur les marchés d’avenir.

 

Pour rester dans la course en terme digital, Walmart a racheté pour 3,3Mds $ jet.com, un des pure players les plus innovants et disruptifs. Par exemple, jet.com a été précurseur en terme de solutions d’abonnements. Il propose des mécaniques incitatives pour inciter les clients à optimiser le coût logistique de leur commande, etc. Cette acquisition était d’abord motivée par l’acquisition de savoir-faire digitaux, et de compétences distinctives – son dirigeant, ses salariés. Transposés dans un dispositif global, ils permettent une transformation accélérée et amplifiée du leader américain.

 

Fin 2018, Walmart a acheté pour 16Mds $ Flipkart, la plateforme e-commerce leader sur le marché indien, qui sera à moyen terme un des plus importants marchés pour le e-commerce, et qui connait des progressions annuelles d’environ 30%.

 

2- Nouer des partenariats ambitieux… quitte à devoir partager le contrôle et la valeur.

 

En nouant un partenariat technologique, commercial et capitalistique avec jd.com en Chine, Walmart s’associe avec une entreprise qui a une longueur d’avance en terme logistique et de gestion de la data. Réunis, les 2 acteurs possèdent des aptitudes omnicanales compétitives et peuvent assurer un développement ambitieux et rentable en Chine. Pour être impliqué dans les grandes orientations de jd.com, Walmart est monté au capital du groupe chinois. Rentré en 2016 à hauteur de 5%, sa part s’élève aujourd’hui à 12%. Preuve que Walmart n’a pas l’intention d’être un sleeping partner. Preuve aussi qu’il fait partie intégrante de l’histoire que jd.com est entrain d’écrire.

 

Autre accord, moins impliquant en termes de gouvernance, celui avec Google : l’objectif est de présenter l’offre Walmart sur google express afin de compenser la baisse structurelle de trafic en magasin par de l’achat de trafic sur le web : un flux de clients remplace l’autre… mais pas au même coût et surtout pas avec le même niveau de maîtrise !

3- Acquérir des nouveaux savoir-faire.

 

L’acquisition de DNVB (digital native vertical brands) comme Bonobos ou Modcloth a un impact business marginal pour Walmart. En revanche, elle permet d’intégrer des compétences clefs dans le Nouveau Monde : relation client et animation de communautés, gestion des influenceurs, gestion de la data, logistique du dernier km.

 

4- Se désengager d’actifs à rentabilité insuffisante ou peu contributeurs à la croissance.

 

Ainsi s’expliquent le désengagement de Walmart au Royaume Uni et au Brésil, tout comme l’optimisation continue du footprint sur le territoire américain. Walmart se redéploie en termes de zones géographiques. De même, il réalloue ses ressources financières et humaines là où le potentiel de croissance et de création de valeur est le plus important. C’est le cas de l’Inde, de la Chine, et du canal Digital.

5- Développer en interne des solutions digitales, de préférence en avance de phase.

 

Walmart a investi dans de nombreuses solutions digitales (walmart pay, pick-up tower, click & collect…). Rien de révolutionnaire, à ceci près que le groupe a toujours cherché à anticiper les besoins et a continuellement tenté, quitte à échouer parfois. Par exemple, la solution Scan & Go a été abandonnée faute de rencontrer un succès client suffisant.

 

En conclusion

Redéploiement sur de nouveaux terrains stratégiques (géographie, canaux digitaux), acquisition à marche forcée d’aptitudes digitales, signature de partenariats au risque de perdre une partie de la valeur ajoutée : le métier de retailer fondé sur la puissance et sur le principe de « toutes les compétences sous un même toit » a vécu. Même si certaines décisions de Walmart ont été critiquées, le groupe s’est résolument projeté dans le New Retail.

 

Et pour aller plus loin

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> Tribune publiée initialement par www.lsa.fr