QUELLE DISTRIBUTION DANS UN MONDE POST-DIGITAL…

 

Management Retail

 

Frédéric Boublil, fondateur du cabinet www.boublil-conseil.fr, décrit dans cette tribune comment les distributeurs doivent évoluer pour réussir durablement dans un monde post-digital, à l’heure de la disruption, de la remise en cause des anciens paradigmes, et des partenariats innovants.

 

distribution Post Digital

 

Les stratégies digitales appartiennent déjà au passé. C’est désormais la totalité du modèle économique des distributeurs et l’entièreté de leur stratégie qui doivent se concevoir dans un écosystème digitalisé. Pour autant, peu ont intégré cela, et le niveau de maturité et de performance digitale est très hétérogène d’une enseigne à l’autre. Dans ce contexte, des retail tech se développent et pourraient, à terme, capter une part importante de la valeur ajoutée du secteur. De leur côté, les consommateurs vivent déjà dans un monde fait d’oxygène, d’azote et de numérique.

 

La mutation digitale n’est pas que technologique – elle est culturelle (à ce sujet, lire la tribune consacrée à la transformation digitale)

 

Pour dessiner les contours des modèles gagnants du retail dans ce monde post-digital, voici quelques enseignements et analyses.

 

Adapter son fonctionnement à une chaine de la valeur qui n’est plus linéaire

L’époque où le fournisseur livrait l’entrepôt du distributeur, qui lui-même approvisionnait les magasins pour servir les clients est révolue : L’Oréal et Lego vendent à la distribution et possèdent leurs propres sites marchands. Des enseignes commencent à utiliser leurs magasins comme plateformes de stockage. Le client lui-même est un concurrent potentiel, car il peut disposer d’un compte revendeur sur leboncoin et vendre sa poussette d’occasion 40% moins cher que le plus agressif des pure players.

 

Les incidences de cette « délinéarité » sont multiples : nécessité de repenser son modèle de supply chain, de maîtriser sa politique de pricing, et plus globalement, de gérer la complexité à coûts maitrisés et avec agilité pour pouvoir anticiper les prochains changements. Les grands chantiers de cette transformation n’en sont qu’aux prémices !

 

La technologie, plus que jamais, mais au service de l’émotionnel

A l’origine, les distributeurs sont des commerçants. Aujourd’hui, ils doivent développer des aptitudes en terme de technologies.

 

A l’extrémité de la chaîne, il y a bien sûr Amazon, entreprise de technologie et de data, sans doute imbattable lorsqu’il est question de simplification du processus d’achat, d’optimisation des délais de livraison, et d’efficacité du service clients.

 

En même temps, ce monde post-digital peut laisser la part belle aux distributeurs traditionnels : si, en restant dans la course en terme d’attendus transactionnels (là où Amazon donne le tempo), ils réussissent à apporter ce supplément d’âme, ce « plus » intangible qu’un pure player ne sait pas apporter, ils assureront leur pérennité : les témoignages enthousiastes des clientes d’Undiz Machine, les makeup addicts de Nyx, ou encore les clients qui ont meublé leur salon chez Maisons du Monde attestent que l’acte d’achat procure des émotions indispensables – plaisir, feel good sensation -, et même du liant social. Preuve que le commerce n’est en aucune façon une contrainte.

 

Une nouvelle façon de jouer collectif : avec ses concurrents et avec ses salariés

Le monde post-digital nécessitant des aptitudes toujours plus pointues et plus diversifiées, il devient impossible pour un retailer d’exceller dans tous les domaines, et les retards cumulés deviennent parfois insurmontables, en particulier face aux pure players. D’où l’accord Ocado Monoprix pour faire de l’enseigne française le leader omnicanal du centre-ville, …au prix d’une relative perte d’indépendance.

 

Dans cette nouvelle optique, il faut accepter de s’allier, parfois même avec des concurrents historiques. Ainsi, pour peser tenir tête à Amazon et peser face aux marques mondiales, GSA et GSS concluent des alliances à l’achat (ex Casino / Conforama).

 

Enfin, c’est un monde où le rapport au travail a changé : les nouvelles générations notent leur entreprise sur Glassdoor comme elles notent leurs vacances sur Tripadvisor. Les frontières entre la vie en entreprise et la vie privée sont plus floues – qu’il s’agisse de plages de travail, de hobbies, ou de relations sociales. Pour autant, l’équilibre vie privé / vie professionnelle devient plus important que jamais. D’où la nécessité pour les enseignes de bâtir un modèle managérial inventif et épanouissant, différent du modèle traditionnel du retail (à ce sujet, lire aussi la publication sur les modèles managériaux du retail)

 

De l’ère de l’optimisation à l’ère de la disruption…

Gagner 0,5 point de productivité par an ne permet plus de faire la différence. Dans ce monde post-digital, il faut réaliser des sauts de performance, qui ne sont atteignables qu’en réfléchissant hors du cadre. Autrement dit, massifier et optimiser ne suffisent plus, il faut disrupter. C’est dans ce contexte que certains groupes de distribution développent des incubateurs à start-up, ou co-investissent avec des fonds de retail tech. Ces initiatives n’ont pas encore démontré leur capacité à changer la donne. De même, de nombreux POC (Proof of Concept) sont développés… mais ils font souvent pschitt !

 

Disruption

 

Créer de la valeur autrement – partenariats structurants, fusion des business models

Les distributeurs historiques ne font donc plus seulement la course à la taille. Ils cherchent à se transformer. L’ère des fusions pour élargir le parc de magasins et pour mutualiser les achats va progressivement laisser la place à celle des fusions des business models. Les Galeries Lafayette et La Redoute ouvrent la voie. Ce type de mouvement stratégique est aussi enthousiasmant que complexe à exécuter, … voire risqué.

 

Dans un même temps, les leaders historiques de la distribution, qui comptent parmi les gros employeurs de leur pays d’origine, sont vulnérables face aux GAFA, et parfois même à portée d’achat. C’est pourquoi Wal Mart a privilégié la négociation avec Google plutôt que la guerre frontale. Preuve que les équilibres ont changé…

 

En conclusion

Une certitude se dessine : le retail du monde post-digital ne peut pas ressembler à celui du monde ancien. Il est plus sophistiqué, plus complexe, plus diversifié, moins linéaire, moins prévisible. Et tout simplement, plus stimulant !

 

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