MANAGEMENT 3.0 ET RETAIL : CONSEILS ET BONNES PRATIQUES

 

Management Retail

 

Deux cabinets experts de la distribution, Boublil Conseil et Elsinore Retail Executive Search, unissent leur vision dans une tribune en exclusivité pour LSA.
Big data, CRM, multicanal, RSE, Incubateurs : autant de concepts fréquemment invoqués pour illustrer l’évolution du commerce.
Et si c’est en faisant évoluer son modèle de management que le commerce pouvait retrouver de l’attractivité pour ses collaborateurs et de la compétitivité pour ses actionnaires ?

 

3 raisons qui expliquent que le modèle managérial des distributeurs doit évoluer.

1 Moins de promotions… professionnelles : pendant longtemps, les ouvertures de magasins étaient autant d’opportunités de progression pour un manager performant. Avec le nombre de m² qui baisse, et l’optimisation des organisations des fonctions centrales, l’écart entre les possibilités de promotion
« organique » et le nombre de talents à promouvoir s’amplifie. La filière distribution, réputée être un ascenseur social très efficace, perd donc un partie de cette capacité.

 

2 Des parcours plus diversifiés : l’Exploitation, l’Offre et la Finance restent les voies traditionnelles pour progresser dans le Retail. Cela se constate encore, mais devient insuffisant : des expériences à l’international, autour du digital, de la connaissance client, ou dans d’autres secteurs d’activités
apportent des ouvertures recherchées. Le cloisonnement s’estompe aussi : des dirigeants issus de l’alimentaire ou des marques ont été recrutés par des enseignes non alimentaires et vice versa.

 

3 Des opérations toujours plus complexes : pour gérer la complexité de réseaux multiformats, multicanaux, multipays et pour décrypter le comportement du consommateur grâce au flot de données, le tout dans un contexte économique contraint, le bon sens et l’intuition ne suffisent plus. Il faut gérer au plus fin, maîtriser l’information et l’analyser dans le détail avant d’agir. Réflexe parfois contradictoire dans un secteur où la vitesse primait souvent sur l’évaluation des risques.

 

Ainsi, le modèle d’entreprise très marqué par l’entreprenariat des fondateurs avec ses qualités d’engagement, de sens commerçant, de forte sensibilité managériale et d’une gestion serrée doit s’adapter.

 

Management Retail

 

Principes et pratiques inspirantes pour un modèle managérial gagnant…

# 1 : Adapter la gouvernance aux enjeux de transformation

C’est un préalable pour réussir la transformation de son business model. Le métier de dirigeant se complexifie, demande des décisions de plus en plus rapides… avec toujours plus de pression.

 

Même dans une situation favorable (actionnaire bienveillant, équipe de direction soudée et compétente), le dirigeant doit gérer les antagonismes du court et du long-terme dans un contexte incertain. Le Conseil de Surveillance doit devenir un véritable Advisory Board.

 

La bonne pratique est de créer ou de professionnaliser un board composé de 4 ou 5 administrateurs, souvent eux-mêmes dirigeants, issus d’horizons nouveaux et complémentaires (numérique, international, millenials….), et capables de s’impliquer dans la transformation sans pour autant perturber le bon fonctionnement de l’entreprise.

 

# 2 : Repenser de façon participative les lignes de son organisation

Dans un marché très difficile, Kiabi s’est réinventé sur son offre, sa supply chain, ses prix. Il a aussi révolutionné son organisation et son management, avec son projet d’entreprise libérée, qui a été formalisé grâce à l’implication de nombreux collaborateurs, cadres supérieurs comme employés.

 

La libération se traduit aussi par l’horizontalisation des relations. Par exemple, systématiser le mentorat inversé permet aux jeunes générations de sensibiliser les plus seniors aux sujets digitaux.

 

Michel Leclerc, le fondateur de Décathlon, définissait son métier de dirigeant comme celui qui « tape dans la fourmilière », autrement dit, celui qui stimule le changement, donne le tempo, et combat la routine. Bref, pas de place à la routine…

 

#3 Travailler en mode agile avec des partenaires externes

Leroy-Merlin l’illustre bien : l’enseigne s’est associée avec une start-up, Frizbiz, pour proposer un service de mise en relation entre particuliers – cette solution permettant de capter des ventes B2C qui, via les artisans, se feraient en circuit B2B. Ce partenariat gagnant / gagnant permet à l’enseigne d’avoir une solution optimisée en coûts et en time-to-market, et à la start-up, de sécuriser un débouché commercial.
Savoir travailler avec des start-up et animer un écosystème de partenaires externes devient une compétence plus que jamais essentielle pour faire la différence.

 

#4 Favoriser l’intrapreneurship, incuber des start-ups, … mais chacun à sa place !

Les enseignes traditionnelles ont d’abord acquis des e-commerçants, avec une synchronisation souvent problématique (Telemarket, Mistergoodeal….). Elles complètent maintenant ce dispositif avec des incubateurs (ou accélérateurs) qui accompagnent des startups. Ainsi, celui du groupe Galeries Lafayette aurait reçu plus de 400 dossiers dans un temps très court. La gestion d’un portefeuille d’activités naissantes est un métier qui requiert des aptitudes nouvelles et des ressources adaptées.

 

Pour autant, il serait erroné de penser que l’approche startup devrait s’appliquer sans filtre. Par exemple, les fondamentaux historiques de fonctionnement du secteur, notamment en termes de rigueur d’exécution des politiques, de valorisation de l’effort collectif, de méticulosité dans le pilotage économique doivent être conservés, tout en étant upgradées grâce à des applications technologiques.

 

#5 : Ouvrir ses shakras et ériger l’Ouverture en valeur cardinale

Focaliser son attention sur le concurrent frontal qui a le même modèle et rencontre les mêmes difficultés que soi conduit à reproduire toujours les mêmes schémas… et les mêmes erreurs. L’inspiration doit se chercher au-delà. Par exemple, les américains Tori Burch ou Rebecca Minkoff servent de benchmarks aux enseignes de mode ; le canadien Lululemon est le référent de tous les marketers pour la gestion des ambassadeurs de marque, etc.

 

Le recours à des learning expeditions (dans la Silicon valley ou en Chine), ou à des retail tours pour visiter des concepts innovants, permet de confronter les managers à une réalité plus exigeante, mais aussi plus aspirationnelle.

 

L’ouverture au monde passe aussi par le recrutement d’Executives internationaux. Certaines enseignes de prêt-à-porter ont mis en place des démarches de recrutement nouvelles pour attirer des chefs de produits espagnols, formés notamment par Inditex. De même, de plus en plus de cadres qui ont réalisé une partie de leur carrière en Chine arrivent en Europe !

 

#6 : Faire de l’innovation un des piliers du modèle managérial de l’enseigne

Lors de la dernière AG Carrefour, il a été rappelé que le digital et la RSE sont deux moteurs du groupe. Certaines enseignes ont un directeur de l’innovation. L’enjeu dépasse le fait d’avoir ou non un tel poste : l’esprit d’innovation, c’est-à-dire la recherche permanente de nouvelles voies, souvent disruptives, pour gagner en compétitivité doit être inscrite dans les fiches de poste de tous les métiers, du commerce aux fonctions supports.

 

#7 : Démocratiser le lien à la technologie

C’est la fin des cloisons entre DSI et fonctions marchandes. Les métiers ont besoin de s’approprier la technologie et d’être impliqués dans le choix d’outils, qui deviennent de plus en plus structurants dans le fonctionnement des services. Par exemple, un directeur marketing qui ne s’intéresse pas aux spécifications des outils de fidélisation ne sera pas en mesure d’élaborer la stratégie CRM appropriée à l’enseigne.

 

# 8 : Insuffler une culture de la data et de la mesure

Au-delà de la collecte des données, c’est leur exploitation au sein des directions opérationnelles qu’il faut professionnaliser : quels sont les 20 indicateurs à suivre par département ? Comment les exploite-ton ? … et comment gère-t-on cette transition décisionnelle sans dénaturer la culture de l’enseigne et sans déstabiliser les équipes.

 

Le recrutement de Data Scientists se généralise : il s’agit de postes essentiels, mais non providentiels. Les managers doivent d’abord se décomplexer par rapport à la data, et se former.

 

#9 : Gérer la marque employeur… comme une marque.

L’exemple vient d’en haut : c’est le dirigeant qui convaincra des talents de haut niveau non sur un poste mais sur un projet. C’est aussi lui qui fera bouger les lignes et les habitudes pour retenir ou intégrer des profils atypiques. L’incarnation de l’entreprise par son dirigeant et son exemplarité sur des sujets managériaux est donc clef.

 

Mais pour que la marque employeur soit forte, elle doit surtout susciter l’engagement. Et qui mieux que les salariés peuvent relayer avec légitimité et puissance les atouts de l’enseigne ? La bataille de l’image employeur se joue sur linkedin, mais d’abord en magasin, où les raisons d’y croire peuvent s’exprimer de la façon la plus convaincante !

 

# 10 : Alimenter et entretenir un vivier de talents… digitaux

La Undiz Academy est un excellent exemple : ces jeunes entrepreneurs sélectionnés de façon non conventionnelle doivent développer le site web sur le pays dont ils ont la responsabilité.

 

Outre l’opportunité business pour l’enseigne, cette académie est un vivier de talents digitaux, … profils que les enseignes traditionnelles ont souvent du mal à séduire avec autant de succès.

 

Pour conclure, si les transformations s’accélèrent et demandent un surcroit de flexibilité, de prise de risque et d’ouverture, un paradoxe nous interpelle : certaines grandes enseignes qui disruptent leur marché le font en utilisant les approches les plus traditionnelles de la distribution, notamment en terme de management.

 

Ainsi Costco ou Primark gagnent avec un concept unique, des process retail bien standardisés, et bien sûr, en misant sur la promotion interne !

 

> Retrouver cet article en ligne en cliquant sur  ce lien

> Récupérer l’artcile directement en pdf