Programmes de Fidélité : nouvelle donne, nouvelles stratégies

Interview publiée (en extraits) dans Relation Client Mag de septembre 2016. Voir l’article
Interview réalisée par Christelle Magaud

 

 

1- Pourquoi les programmes de fidélité doivent-ils évoluer ?

Les programmes de fidélité doivent évoluer avec la distribution, devenue digitale, multicanale, et avec un niveau d’informations très riche.

Au départ, les cartes de fidélité s’appuyaient sur les données transactionnelles des caisses. Celles-ci étaient (superficiellement) analysées par le marketing (qui n’avait pas les ressources suffisantes) et complétées par des insights quali. Il en résultait des campagnes relativement peu personnalisées et surtout contraintes par un cadre publi promotionnel qui octroyait l’essentiel des moyens aux actions de masse (prospectus, radio, affichage).

La relation client trouvait alors son territoire d’expression via la carte de fidélité, qui coûtait environ 2% du CA de l’enseigne et qui, in fine, n’apportait pas de différentiation car toutes les enseignes se retrouvaient sur des mécaniques proches, et avec un travail de segmentation client trop limité.

Cette approche est à bout de souffle : elle est coûteuse, insuffisamment ROIste et rarement différenciante.

Elle est dépassée aussi, car l’accès à l’information et l’évolution du parcours d’achat bouleversent les règles du jeu. Le contact client ne se fait plus exclusivement en magasin : au contraire, c’est le web qui, dans l’écrasante majorité des actes d’achats (hors alimentaires), est le premier point de contact. Ecouter le client, c’est savoir tracer son parcours d’achat, en magasin, sur le(s) site(s) marchand(s), sur les réseaux sociaux, et via le service client. Pas facile de faire en sorte que tous ces services se parlent, … et pas facile non plus de collecter l’ensemble des informations et de les interfacer ! Or, là réside la capacité d’un d’une enseigne à construire un programme de fidélité personnalisé en fonction des segmentations clients et des moyens de l’enseigne.

 

2- Comment les enseignes doivent-elles s’y prendre pour s’adapter à cette mutation ?

Il faut tout d’abord repenser l’allocation des moyens : moins de saupoudrage et plus d’actions structurantes (sans pour autant arrêter de tester des nouvelles idées ou applis), une réorientation des dépenses vers des campagnes personnalisées, et la mise en place progressive d’une culture ROIste.

Ensuite, il faut réfléchir à l’organisation: la relation-client est transversale puisqu’elle impacte tous les services, en magasin, au marketing, au service client, mais aussi à la supply chain ou aux SI.

Le directeur de la relation client, c’est donc le PDG. C’est pour cela qu’à tous les comités exécutifs de Darty, les dirigeants de l’enseigne font un état des remontées clients les plus marquantes et dans ce cadre et sollicitent directement des opérationnels, directeurs de magasins ou directeur des ventes.

Enfin, maîtriser la relation client, c’est maîtriser la technologie. Les DSI deviennent les business partners des directeurs du CRM : ils évaluent avec ensemble les systèmes et technologies les plus appropriés à la stratégie client.

En résumé, la relation clients aujourd’hui nécessite de repenser l’allocation des ressources, d’adapter le dispositif organisationnel (avec des modes opératoires appropriés), et de mieux maîtriser l’information (et les tuyaux qui permettent de la capter et de la traiter)

 

3- Et en terme de contenu, comment les programmes de fidélité doivent-ils évoluer ?

Les programmes de fidélité répondent à une question clef : comment l’enseigne me récompense-t-elle de ma fidélité ? Pour y répondre, les programmes reposent classiquement sur 2 piliers : un pilier marchand et un pilier « serviciel »

– un pilier marchand : c’est le cash back, les cadeaux, ou tout autre mécanique de récompense

– un pilier « serviciel » : ce sont les avantages que vous avez à être un gros client : par exemple, livraison gratuite, invitation en avant-première aux foires aux vins, numéro de téléphone dédié pour le service client, etc.

Dans ces deux domaines, l’enjeu est de réussir à concilier un bénéfice client pertinent avec les contraintes économiques de l’enseigne. Une segmentation client pertinente permet de proposer des mécaniques sur-mesure, en conformité avec les attentes de chaque segment (par exemple, pourquoi proposer -30% à une personne qui achèterait à -20%, mais qui, en revanche, souhaiterait pouvoir pré-réserver son produit). Elle contribue par ailleurs à humaniser la relation, avec un message personnalisé, qui vise juste.

Je compléterai cette réponse en notant que la dimension émotionnelle est insuffisamment travaillée dans les programmes de fidélité. C’est pourtant dans ce domaine que les enseignes dites traditionnelles peuvent faire la différence face à Amazon, qui excelle dans la relation transactionnelle, mais qui sera toujours un distributeur « froid ». Les neurosciences favoriseront cette évolutions: avec les « data émotionnelles », les marques pourront par exemple plus finement détecter les stimuli, et ainsi bâtir des campagnes plus pertinentes et plus ciblées.

En résumé, les programmes de fidélité doivent évoluer vers toujours plus de personnalisation, et doivent charger leur contenu avec davantage d’émotion !

 

4- Avez-vous un programme de fidélité coup de cœur ?

Regardez Orchestra : l’enseigne a révolutionné le marché du vêtement pour enfants, notamment grâce à un programme de fidélité aussi simple que percutant : le client achète sa carte de fidélité ; ensuite, pendant un an, il a droit à 50% de remise sur les prix des vêtements.

La promesse est la même pour tous les clients qui adhèrent au programme (qui, du coup, regroupe la quasi-totalité du CA de l’enseigne). En appui de cette promesse, la direction du CRM décline un plan marketing clients, avec des messages personnalisés par segment – par exemple en fonction de l’âge des enfants, de la date d’anniversaire, du profil d’achats, etc.

Dans ce cas, le programme de fidélité est un pilier majeur de la proposition valeur de l’enseigne.

 

5- Pour conclure, qu’avez-vous à dire sur la relation client, par-delà le programme de fidélité ?

La relation client, ce n’est pas qu’un programme de fidélité télécommandé par le siège. Par exemple, il peut aussi reposer sur les ambassadeurs de l’enseigne, comme le fait l’enseigne Lululemon, spécialisée en équipement pour les yogis : ses ambassadeurs, outre le fait qu’ils parlent de la marque (et qu’ils la vendent), s’expriment d’abord en leur nom : ils ont leur propre blog, leur compte Instagram, et parlent de leurs hobbies et de leur façon de pratiquer le yoga. L’enseigne ne contrôle plus totalement le contenu, mais elle gagne énormément en image, en légitimité, et dans la richesse de ce contenu.

Et pour conclure de façon très pratique, le meilleur programme de fidélisation client, n’est-il pas celui qui, par sa qualité d’exécution et son sens du client, réduit le temps d’attente aux caisses, apporte un niveau de disponibilité produits optimal, et traite rapidement et de façon commerçante les litiges clients ? Il ne s’agit là que des basiques du commerce !

 

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