L’avenir de Vivarte : Frédéric Boublil, l’ancien directeur de la stratégie donne son point de vue

 

Publié le 1er mars 2016

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A un moment charnière de l’avenir du groupe Vivarte, Frédéric Boublil, ancien directeur de la stratégie du groupe et fondateur du cabinet Boublil Conseil, livre en exclusivité à LSA sa vision de la situation du groupe et des défis à relever.

 

Rappel : fin 2014 – un groupe très fragilisé et un contexte compliqué

Fin 2014, le groupe Vivarte est encore plus fragilisé que les chiffres ne le laissaient supposer : désaffection durable des magasins de périphérie suite aux erreurs de positionnement, dérive des stocks et des dépenses, hémorragie des talents, perte de confiance des partenaires.

 

A cette période, le groupe se restructurait autour d’un pool d’actionnaires et de prêteurs, ce qui générait de fait une gouvernance complexe, mais nécessitait aussi de rendre compte chaque trimestre de l’avancée de chantiers au long cours à des prêteurs focalisés sur le court terme…

 

Les réalisations : restructuration, rationalisation, et réinjection de bon sens commerçant

Pas facile de reconstruire dans de telles conditions. L’année 2015 a été marquée par le chantier social et la fermeture massive de points de vente (un des plus spectaculaires de l’histoire de la distribution française). Cette restructuration nécessaire, qui aurait dû être réalisée avant, permet maintenant au groupe de pouvoir se projeter.

 

Dans ce contexte économique et social difficile, l’équipe en place s’est recentrée sur les basiques du commerce : des collections et des prix adaptés aux enseignes et aux zones de chalandise pour retrouver de la cohérence commerciale, une gestion rigoureuse des stocks et des dépenses d’exploitation, un mode de management rasséréné. L’équipe s’est aussi astreinte à une rationalisation des coûts de fonctionnement.

 

Les efforts digitaux ont été maintenus et le groupe a réussi à ne pas se laisser distancer dans ce domaine, où il avait déjà accumulé un retard important.

 

A noter que tout ceci a été réalisé en conservant les managers clefs, ce qui est de bon augure pour la prochaine étape du développement du groupe.

 

Certes, ce travail de fond ne donne pas de résultats financiers visibles à court terme, d’autant plus que la conjoncture a été très défavorable : baisse des dépenses d’équipement, météorologie défavorable, attentats au moment de 2 grosses périodes de vente. Il était néanmoins indispensable pour envisager un redressement durable.

 

Quels défis maintenant ?

Strategie Vivarte

1. Le premier défi du groupe est de restaurer durablement ses deux principaux actifs historiques : sa part de marché en chaussures et sa capacité à développer des managers et des dirigeants de haut niveau.

 

1.1 Solidifier l’activité chaussures et retrouver un leadership national fort

La part de marché en chaussures est l’actif numéro 1 du groupe et les moyens doivent donc être portés en priorité sur ce métier : en France, près d’une paire de chaussures sur 6 est vendue par le groupe, dont le cœur de métier depuis plus d’un siècle est la création de collections de chaussures grand public de qualité et à un prix abordable.

Les défis sont différents selon les enseignes ; pour chacune d’entre elles, l’amélioration de l’image prix sera centrale, tout comme le développement plus volontariste du digital.

 

1.2 Développer des managers et dirigeants de haut niveau pour faire la différence dans l’exécution

La culture décentralisée fait partie intégrante de l’ADN du groupe qui, du temps de Georges Plassat, a privilégié l’agilité et la responsabilisation à une centralisation inutile. Cela a permis, notamment, de développer et de fidéliser des talents reconnus et courtisés dans la profession.

Maintenant que le chantier de restructuration est avancé, et que le groupe a retrouvé des fondamentaux sains de gestion, le moment est venu de reconstruire le modèle d’entreprise historique qui a contribué à la réussite des enseignes.

 

2. Le second défi est d’accélérer la transformation digitale

Même si le groupe accuse un retard important dans ce domaine, les réalisations récentes montrent, notamment en commerce multicanal, que les bons virages ont été pris.

Pour accélérer le changement, une transformation d’envergure doit être menée : cela suppose de repenser le dispositif informatique, de muscler le contenu relationnel des enseignes, mais aussi de faire évoluer progressivement la culture du groupe (voir à ce sujet mon article sur les 6 piliers pour réussir sa digitalisation).

Le groupe doit-il faire seul, ou doit-il procéder à des alliances stratégiques ? Il s’agit là d’arbitrages à considérer prochainement.

 

3. Le troisième défi est de mettre le groupe en capacité de réussir ces changements

Les deux premiers défis sont d’une telle ampleur qu’il semble très ambitieux d’envisager des fronts supplémentaires. Envisager la cession de certains actifs (dans la mode notamment) pour se recentrer progressivement fait donc partie des réflexions prioritaires. Il en est de même pour l’étude d’opportunités d’acquisitions permettant de gagner du temps et de la compétitivité sur les métiers stratégiques.

Pour réussir ces changements, la gouvernance actuelle doit aussi être questionnée : la rendre plus simple permettrait d’apporter plus de respiration et génèrerait plus d’efficacité et plus d’engagement.

Enfin, le travail d’allègement de la base de coûts doit être poursuivi, notamment en explorant des leviers complémentaires à ceux déjà instruits.

 

Pour conclure

Le groupe est sorti abîmé et affaibli d’une période où les erreurs de positionnement et de management ont conduit à un besoin lourd de transformation.

Les derniers mois ont été essentiels pour remettre l’église au milieu du village commercial et pour opérer les restructurations qui avaient été procrastinées.

Tout cela a été conduit dans un contexte interne et externe très complexe. Les premières briques d’un renouveau sont là, mais il est encore trop tôt pour être définitivement serein. En tous cas, il est maintenant possible d’envisager de façon réaliste un retour à meilleure fortune.

 

 

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