6 piliers pour réussir sa digitalisation

Publié le 26/10/2015

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S’appuyant sur des expériences récentes et sur des benchmarks internationaux, Frédéric Boublil, spécialiste de la distribution, détaille pour LSA les 6 conditions qui sont essentielles selon lui pour réussir sa transformation digitale. “Se centrer sur le structurant et non sur le gadget, penser client avant technique, couvrir toutes les facettes de la transformation et ne pas se limiter au superficiel : tel est le défi des distributeurs”.

 

On aime faire rêver avec le digital, et aussi se faire peur. Restons dans la réalité et rappelons-nous ce que doit signifier la digitalisation pour un distributeur : faire évoluer le modèle de l’enseigne (en termes économique, commercial, et culturel) afin d’offrir au consommateur la meilleure expérience, partout où il se trouve, dans les conditions de rentabilité attendues par l’actionnaire.

 

Plus que jamais sous contrainte de moyens, les distributeurs ne peuvent pour autant faire l’impasse sur leur transformation digitale, indispensable à la croissance, à la maîtrise des coûts, et plus globalement à leur pérennité. Ce changement impacte tous les métiers (du commerce au back office), les systèmes, les modes opératoires, et bien sûr la culture. Se centrer sur le structurant et non sur le gadget, penser client avant technique, couvrir toutes les facettes de la transformation et ne pas se limiter au superficiel : tel est le défi des distributeurs.

 

En capitalisant sur notre expérience, nous avons identifié 6 piliers pour réussir sa digitalisation illustrés par ce graphique :

 

1. Premier pilier : il faut d’abord être un excellent commerçant multicanal, le magasin étant l’actif différenciant face aux pure players.

 

Premier sujet : le web-to-store. Au-delà des solutions techniques, c’est la qualité d’exécution et l’implication de l’enseigne qui feront la différence : emplacement en magasin, PLV, process, motivation des équipes, communication dédiée – l’écart de performance entre enseignes d’un même secteur peut varier de 1 à 4 ! Autre lecture du rôle du web-to-store : un tiers de l’activité originée par le web se conclut en magasin.
Second sujet : le store-to-web. Moins développé, il est indispensable pour les produits complexes à stocker (ex. : jouet de plein air, aménagement / décoration). Encore sous-estimé, il peut apporter jusqu’à 5% de CA en pic de saison.

 

Un commerçant multicanal doit s’appuyer sur les solutions qui : Primo … améliorent l’expérience d’achat, de l’aide au choix jusqu’au paiement : dès 2012, aux USA, Nordstrom a équipé ses vendeurs de tablettes afin qu’ils puissent connaître la disponibilité des produits ; en Europe, Orchestra fait de même pour faciliter la constitution de listes de naissances. Et, secundo… dynamisent l’animation commerciale avec des offres personnalisées en fonction du profil client. D’où le recours croissant au beacon, potentiellement utile si l’enseigne est capable d’apporter du contenu.

 

A l’image de ces exemples récents illustrés par ce graphique :

 

 

2. Multicanalité signifie aussi complémentarité et coordination entre web et magasin.

Nous parlons de génération de trafic, d’image prix, d’animation commerciale, bref de l’essentiel ! Pourtant, beaucoup d’enseignes n’élaborent pas de plan commerce multicanal, i.e. qui permet à chaque canal d’apporter sa pierre à l’édifice commercial. Certains s’inquiètent des risques d’incohérences de prix de vente ou de dégradation de la marge ; d’autres saluent le rôle du site dans l’image prix de l’enseigne. Ces arguments contradictoires illustrent le besoin d’avoir une cellule pricing, ou, à défaut, une gouvernance appropriée sur ce sujet. Plus opérationnellement, à défaut de synergies réelles, beaucoup d’enseignes évitent la confrontation entre circuits : promotions sur le web le dimanche, orientation des ventes internet sur des produits exclusifs à Nécessaire, mais pas suffisant !

 

3. Autre bénéfice potentiel de la multicanalité : la connaissance clients.

Ceci suppose d’avoir les outils appropriés (systèmes, applications, référentiel client), et le savoir-faire pour : 1) avoir accès aux informations pertinentes, 2) les analyser et 3) en tirer des actions concrètes. Par exemple, une analyse des achats des nouveaux clients permet d’identifier les produits recrutants (segments, thèmes, tranches de prix, etc.), et ainsi de mieux choisir ceux qu’il faut mettre en vitrines, et dans les campagnes d’acquisition.

 

4. Tout cela nécessite un dispositif informatique performant, adapté à l’enseigne

(i.e. à son métier, à sa taille, à son rapport à la technologie) et évolutif. Le coût de l’Investissement Technologique est souvent sous-estimé. Le ratio d’environ 1,4% du CA consacré à l’IT (Capex + Opex) doit être revu. Ainsi, l’américain Nordstrom, référence la matière, consacre près du tiers de ses Capex à l’IT ! Le dispositif informatique doit être pensé avec une vision moyen terme, et pas seulement au regard des besoins immédiats : il faut donc anticiper l’augmentation de la volumétrie ainsi que l’évolution des usages. Enfin, pour éviter la dispersion, il faut travailler par vague (18-24 mois) et en priorité, orienter les efforts sur les fondamentaux : maîtrise des appros et pilotage des stocks – c’est le point de départ !-, constitution du catalogue produits, intégrité du référentiel client, gestion dynamique du pricing, déclinaison en mobile des applications internet. Les autres sujets seront traités plus tard. Le paiement mobile fera partie des prochains sujets clefs (regarder ce que l’opérateur DoCoMo fait au Japon).

 

5. Par ailleurs, l’entreprise digitalisée a des marqueurs culturels forts.

C’est une entreprise qui a un appétit pour le risque. Dans un univers qui change vite, il faut souvent inventer, d’où une culture du test & learn. Dans un même temps, l’entreprise digitalisée dispose d’une masse d’informations qu’elle doit (di)gérer avec réactivité : en vêtement, les campagnes personnalisées par région en fonction de la météo sont très efficaces. Elle ne ferme jamais : le dimanche étant le premier jour de vente et la tranche horaire du soir, la plus importante, certaines enseignes ont des équipes d’astreinte en marketing et SI, soir et dimanche. L’entreprise digitalisée est participative et souple : elle fonctionne en mode projet, en interne et avec l’externe (avec une enseigne, nous avions inventorié 28 partenaires différents). Ses salariés sont technophiles. L’organisation de learning expeditions dans la Silicon Valley permet de sensibiliser le Comex en lui faisant rencontrer des acteurs de cet écosystème. La mise en place de mentoring inversé, où des digital natives forment des plus seniors se développe. Enfin, l’entreprise digitalisée n’a plus de silos. La digitalisation permet d’avoir plus de transparence et de visibilité sur le business… et c’est peut-être ce qui génère le plus de freins au changement.

 

6. Enfin, le distributeur traditionnel doit mettre en place une gouvernance agile et avoir de bonnes capacités d’intégration.

L’acquisition de pure-players par des enseignes traditionnelles est fréquente (et souvent indispensable), mais toujours complexe et risquée. D’abord pour des questions de gouvernance et d’organisation : quel niveau d’autonomie conférer ? Quelle gouvernance pour intégrer sans casser ? Comment conduire la phase préparatoire ? Quels changements opérer dans les rôles et dans les organisations, et avec quel calendrier ? Ensuite parce que les synergies sont souvent surestimées (et les anti-synergies oubliées) ou encore parce que la capacité d’exécution se heurte à des blocages managériaux (différence culturelles, divergences d’intérêt, etc.), mal anticipés ou mal gérés.

 

Pour conclure

Changement de mentalités, élargissement des savoir-faire, modification des priorités magasin et siège, adaptation des modes opératoires, voire des structures – réussir sa digitalisation commerçante ne s’obtient pas grâce à des ajustements mineurs. C’est un changement structurant qu’il faut opérer.

 

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