Fnac / Darty : derrière les synergies de coûts,  des opportunités de croissance à saisir…

Publié le 04/05/2016

synergies fnac darty

 

Un groupe français de distribution, apte à se positionner sur le podium mondial, face à Amazon, Saturn, ou Dixons, va se constituer. Un challenge d’ordre business autant qu’humain.

 

La bataille boursière pour la conquête de Darty maintenant terminée, c’est le moment de prendre du recul sur les enjeux des prochains mois et sur les éléments à mettre sous contrôle …

 

Une bataille boursière épique, avec des arguments financiers assez classiques…

Pour convaincre les investisseurs, le discours s’est logiquement porté sur le montant de la valorisation de Darty, la « cible », et sur les synergies qui permettront de financer l’acquisition.

Bien sûr, tout rachat d’enseigne, quel que soit le niveau d’intégration commerciale, doit aboutir à des économies de coûts de fonctionnement, par la mutualisation des fonctions « régaliennes », des back office, de la logistique, voire des systèmes. Ce rapprochement permettra aussi de réaliser des gains de marge via l’amélioration des conditions d’achats, sur un marché où les fournisseurs (en technique) sont internationaux et pratiquent avec les distributeurs mondiaux des négociations « globales ».

Ces figures imposées devront bien sûr, être réalisées, mais ce n’est cependant pas à l’aulne de la concrétisation de ces synergies que le rapprochement s’avèrera être un succès.

D’une part, on ne mobilise pas les équipes sur le terrain avec des réductions de coûts. De l’autre, une fois ces économies obtenues, les actionnaires attendront le « deuxième étage de la fusée », celui qui fera vraiment décoller l’ensemble et leur permettra de réaliser une forte plus-value de sortie.

C’est pour cela que les protagonistes du rapprochement voient très probablement dans cette opération bien plus qu’un simple projet de réduction de coûts et d’accélération de la rationalisation du parc immobilier – de toute manière imposée par l’évolution de la consommation et le développement des ventes sur le web.

 

Le vrai défi pour le futur ensemble : être plus fort collectivement pour explorer avec succès de nouveaux terrains stratégiques et devenir un acteur qui pèse au niveau mondial

Rapprocher Fnac et Darty, c’est réunir 2 fleurons historiques du commerce français qui ont su s’ancrer dans la modernité sans renier leur promesse originelle.

Darty est le créateur du contrat de confiance. C’est aussi l’enseigne qui, en produits blancs, a mis les standards à un tel niveau qu’Amazon n’a pas réussi à s’implanter en France.

 

La Fnac est l’agitateur qui a contribué à la démocratisation de la vente de biens culturels. C’est aussi un des 3 sites marchands les plus visités de France.

 

La Fnac et Darty sont aujourd’hui confrontés à des défis similaires d’extension de leur terrain de jeu :

– Améliorer le rapport de force avec les fournisseurs de produits techniques pour avoir une offre plus compétitive, en magasin et sur le web.

– Renforcer leur force de frappe digitale et concurrencer les pure players sur leur propre terrain

– Surtout, préempter des relais de croissance au-delà des frontières – l’international ne représentant qu’environ le quart du CA du futur ensemble, et moins en résultat.

Le fait de jouer collectif à l’international – en terme de diversité de concepts, de puissance à l’achat, de mutualisation de moyens humains sur un pays donné – et de pouvoir capitaliser sur les aptitudes respectives des 2 groupes, pourra contribuer à trouver une réponse rentable à l’équation internationale que, séparément, ils n’ont pas su complètement résoudre.

Le défi business réside donc dans la capacité du futur groupe à réussir dans ces trois domaines. Si, par le biais d’acquisitions ou de développement organique, il dépasse à horizon 3-5 ans les 10 Mds€ de CA et déplace son centre de gravité hors de l’hexagone, le pari de l’équipe à l’origine du rapprochement sera amplement remporté.

 

Mettre le curseur au bon endroit pour concilier puissance et agilité

Le futur ensemble devra trouver un juste équilibre entre centralisation et réactivité, car, sur ces marchés qui bougent vite, le jeu de jambes fait souvent la différence et compense la puissance.

Dans une même logique, comme les structures de profits des 2 groupes sont différentes, il faudra résister à la tentation d’aller trop loin dans le rabotage de certains postes de coûts, qui sont parfois déterminants dans la proposition valeur de chacun (cf. des postes relatifs au service chez Darty).

Enfin, la transposition des bonnes pratiques d’une enseigne à l’autre devra se réaliser précautionneusement : ce qui est pertinent pour l’une ne l’est pas nécessairement pour l’autre.

 

(Ré)Concilier les deux cultures et maintenir un fort niveau d’engagement malgré l’actualité

Au-delà de l’enjeu business décrit ci-dessus, le défi est d’ordre humain et culturel. L’affectio societatis est important dans les 2 groupes, et chaque enseigne a construit son succès grâce à un ADN fort. Conduire à marche forcée une fusion trop intégrative (ou trop rapide) conduirait à une modification génétique des enseignes et à un affaiblissement global.

Compte tenu de l’actualité, les mois qui viennent seront forcément anxiogènes pour les équipes, et donc potentiellement à risque pour l’activité…

D’où la nécessité de construire rapidement un projet inspirant, réaliste et rassurant pour les équipes. Ce projet devra être l’émanation collective des 2 groupes, où chacun sera équitablement représenté, en fonction de sa taille et de sa contribution au nouvel ensemble (par exemple, après le rachat de Dock de France, Auchan avait confié la centrale d’achats post-fusion au PDG de la société acquise).

 

La mise en œuvre de ce projet sera cadencée dans le temps, avec des étapes de 6 à 12 mois, afin de célébrer régulièrement des victoires, de donner un feed-back régulier aux parties prenantes… et bien sûr de faire en sorte que le projet reste lisible par tous quels que soient les aléas.

Maintenir le niveau d’engagement en accompagnant le changement sera d’ailleurs plus complexe à réaliser que mettre en œuvre un plan d’économies.

 

Conclusion

C’est un exercice ambitieux, risqué, difficile, mais à la mesure des dirigeants, des salariés, et des partenaires sociaux qui, il faut l’espérer, auront la capacité à gérer les différentes temporalités et la pluralité des défis.

 

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